Dal quotidiano francese ‘Libération’ del 10 giugno, pubblichiamo (in versione francese) l’articolo di Alain Piriou relativo alla storia di Judith, una transessuale francese licenziata nel 2006 per aver scelto di cambiare identità. Il Tribunale di Montpellier ha condannato il datore di lavoro a risarcire la sua impiegata. La Halde, (alta autorità per la lotta alle discriminazioni e per le pari opportunità) é intervenuta spontaneamente a difesa di Judith. Per il ‘Collettivo contro l’omofobia’, che ha seguito il caso, questo giudizio è un evento ed è destinato a fare giurisprudenza.

“C’est avec Rémi et non pas Judith que j’ai choisi de travailler, je ne souhaite pas imposer “ça” à mes salariés”. ‘Ca’, c’est le changement d’identité sexuelle d’un employé, licencié en 2006 pour ce motif. Le conseil des prud’hommes de Montpellier vient de condamner l’employeur, pour discrimination, à 25.000 € de dommages et intérêts et à 32.440 € de rappel de salaire.

Embauché en juin 2005 en CDI comme directeur du développement et directeur administratif et financier, {{Rémi ({{1}}) informe son employeur de son intention de vivre son identité de genre et de subir une conversion sexuelle}}. Né homme, Rémi se vit comme femme et engage un parcours de réassignation sexuelle. Dans un mail envoyé à ses collègues, elle explique : “Rien n’a changé dans ma tenue vestimentaire, mais je suis légèrement maquillée. Je m’appelle maintenant Judith, mais vous pouvez continuer à m’appeler Rémi si c’est plus simple”.

De nombreux collègues lui adressent des réponses positives et l’encouragent. Mais pas son patron. Pendant un arrêt maladie pour cause de dépression sur fond de conflit avec l’employeur, Judith voit son salaire brusquement diminuer, et son coefficient de classification professionnelle baisser. Elle n’a plus accès aux identifiants de connexion bancaires de l’entreprise, ni à ceux des déclaration de l’Urssaf. De retour à son poste, Judith est mise à pied et se voit convoquée pour un entretien préalable à un licenciement, notifié par courrier le 14 novembre 2006.

Saisie par Judith, la Halde va enquêter et découvrir que {{l’employeur est incapable de produire un motif sérieux de licenciement}}. Dans sa délibération, la Halde relève que “l’employeur indique sans détour son souhait de licencier, par tout moyen, le salarié”. En effet, dans la notification du licenciement, l’employeur n’hésite pas à écrire : “Vous avez reçu une convocation devant le médecin du travail pour le 31 octobre 2006, qui vous a déclaré apte, ce qu’il nous a confirmé dans un courrier du 3 novembre 2006 (…). En raison de cette aptitude, nous avons à nouveau réfléchi aux motifs du licenciement envisagé”.

Pour la Halde, les choses sont claires : “Il découle de l’enquête de la haute autorité que {{Judith a fait l’objet d’une mise à l’écart professionnelle immédiate, puis un licenciement suite à l’annonce de son changement de genre}}. La concomitance entre la révélation de son transsexualisme et la procédure de licenciement engagée par l’employeur, établie par l’enquête de la Halde, révèle que l’attitude de l’employeur et le licenciement sont fondés sur le changement de sexe de Judith”.

Il semble que cet avis ait été partagé par le conseil des prud’hommes ({{2}}), qui s’est appuyé sur un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. Se fondant sur la {{directive européenne du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’ égalité de traitement entre hommes et femmes}}, les juges européens avaient décidé :

“Le champ d’application de la directive ne saurait être réduit aux seules discriminations découlant de l’appartenance à l’un ou l’autre sexe. Compte tenu de son objet et de la nature des droits qu’elle vise à protéger, la directive a également vocation à s’appliquer aux discriminations qui trouvent leur origine, comme en l’espèce, dans la conversion sexuelle de l’intéressée. En effet, de telles discriminations sont fondées essentiellement, sinon exclusivement, sur le sexe de l’intéressé. Ainsi, lorsqu’une personne est licenciée au motif qu’elle a l’intention de subir ou qu’elle a subi une conversion sexuelle, elle fait l’objet d’un traitement défavorable par rapport aux personnes du sexe auquel elle était réputée appartenir avant cette opération”.

Cette application de la jurisprudence européenne en France est, semble-t-il, inédite. Un beau succès pour Judith et pour la Halde.

NOTE

(1) Les prénoms ont été modifiés, pour respecter l’anonymat

(2) Je n’ai pas encore le jugement sous les yeux, donc je m’exprime avec réserve. Mais ce billet sera mis à jour dès que je l’aurai dans sa version électronique